Sils Maria
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France, 2014
De Olivier Assayas
Scénario : Olivier Assayas
Avec : Juliette Binoche, Chloe Moretz, Kristen Stewart
Sortie : 20/08/2014
A 18 ans, Maria Enders a connu le succès en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui fascine et conduit au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l'autre côté du miroir, dans le rôle d'Helena.
UN SERPENT DANS LA MONTAGNE
Maria Enders, héroïne de Sils Maria, est actrice. Etant incarnée par une des plus grandes actrices d'aujourd'hui, Juliette Binoche, et évoluant dans le monde du théâtre, Enders semble au centre d'une métaphore de l'Actrice, du jeu et de la création. C'est ce dont parle Sils Maria en surface, mais ce qui intéresse Olivier Assayas avant tout semble ailleurs. Dans cet étourdissant décor de Heidi, on scrute un fascinant nuage qui chemine dans le relief et qui prend la forme d'un étrange serpent. De serpents, il est beaucoup question dans Sils Maria: d'artistes qui exposent au Serpentine de Londres au passé qui a tôt fait de se transformer en serpent se mordant la queue.
Où se trouve Maria, quelle est sa place lorsqu'on lui propose un projet qui ravive les souvenirs d'un film réalisé vingt ans auparavant ? Le monde a changé autour d'elle: internet et les commentaires débiles qu'on peut lire sous chaque article, les people dont les frasques sont exposées partout, l'industrie du ciné qui semble elle aussi différente. Sa future partenaire, Jo-Ann Ellis (Chloe Moretz, peu présente à l'écran), joue dans un blockbuster de SF qui en apparence a tout du navet et a l'air tourné dans le vaisseau spatial des TLC. Mais comme lui reproche son assistante Valentine (Kristen Stewart, irréprochable), Maria aurait-elle autant de mépris si la même histoire se déroulait dans une ferme ou une usine ? "It's the real world, welcome", adressé à une femme qui ne veut plus être dans le passé mais ne semble pas vraiment dans le présent.
Cette hésitation prend des tournures fantastiques (en filigrane, certes, mais quand même) à force de fondus au noir qui apportent une torpeur onirique au récit ou évidemment lors d'un rebondissement à l'audace fantastique qui rappelle un classique du genre (qu'on ne dévoilera pas, mais qui vous sautera aux yeux une fois le film vu). Assayas parvient très subtilement à installer un certain trouble mystérieux dans ce récit faussement superficiel. Le tout transcendé une fois de plus par une Binoche impériale, campant une héroïne complexe face au reflet de son miroir brisé.
